Le 09 avril, les élus et membres de la commission numérique des Interconnectés, France urbaine et Intercommunalités de France se sont réunis à Paris (Station F) pour lancer la démarche TIE BREAK des collectivités territoriales en faveur d’une Trajectoire d’Indépendance numérique Européenne.

Réagir face à la dépendance des systèmes d’information des collectivités

Président des Interconnectés, Franckie Trichet a ouvert la conférence de presse en appelant à « sortir d’une forme de déni » face à la dépendance du bloc local à des technologies extra-européennes : « Avec 22 métropoles, 101 départements, 18 régions, 1250 Intercos, 35 000 communes, nous parlons a minima de 1,5 milliards d’euros dépensés chaque année auprès d’acteurs économiques qui ne sont pas européens ».

Face à une sédimentation technologique vieille de plusieurs décennies, il a insisté sur l’importance de prendre le temps nécessaire pour construire collectivement une stratégie en plusieurs étapes pour que chaque collectivité reprenne en main son destin numérique.

Un premier outil de diagnostic du niveau de dépendance des systèmes d’information dévoilé

A la suite du forum des Interconnectés qui s’est tenu à Rennes les 10 et 11 mars derniers, un groupe pilote de 11 collectivités a engagé une démarche commune pour mesurer le niveau de dépendance de leur système d’information à des technologies extra-européennes. Cet outil permet d’établir une cartographie précise des domaines concernés, ainsi que des éléments concrets et actionnables dont chaque collectivité peut s’emparer.

Conseiller à la métropole de Montpellier, Manu Reynaud a présenté le diagnostic mis en œuvre dans cette dernière, en insistant sur le caractère crucial des typologies de stratégie définies et de la formation auprès des directions des systèmes d’information (DSI) pour faire vivre la démarche.

Conçu pour être partagé et ouvert, l’outil de diagnostic sera enrichi par le travail collectif de plusieurs collectivités volontaires, afin de stabiliser un cadre commun. La prochaine étape visera à proposer une bibliothèque d’alternatives fiables et efficaces aux collectivités, pour établir un espace numérique plus souverain.

S’emparer des enjeux soulevés par la cybersécurité

Cette démarche s’inscrit dans une montée en compétences sur les enjeux numériques, particulièrement ceux liés à la cybersécurité. Vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Caroline Zorn a rappelé qu’en 2024, 10% des collectivités territoriales ont été victimes d’une ou plusieurs cyberattaques, mais 45% d’entre elles n’en connaissaient pas la cause.

Au-delà de la nécessaire sensibilisation sur le sujet, l’enjeu réside également dans l’élaboration d’une nouvelle politique industrielle, davantage tournée vers les acteurs européens, en s’appuyant sur la cryptographie. Elu à la communauté urbaine d’Arras, MickaëlAudegond a expliqué que la directive européenne NIS 2 en matière de cybersécurité doit être regardée par les collectivités comme l’opportunité d’enclencher une réflexion systémique, pour montrer aux entreprises leur volonté de travailler avec elles.

A l’échelle des collectivités, c’est le levier de la commande publique qui est appelé à être davantage mobilisé pour favoriser un numérique souverain et aussi responsable.

Mobiliser l’échelle européenne

Pour bâtir ces alternatives, la dimension européenne est cruciale, comme l’a montré la convergence de vue des acteurs locaux réunis au Forum digital d’Eurocities qui s’est tenu à Bordeaux du 02 au 04 avril derniers. Laurent Watrin, adjoint au maire de Nancy et président de la Commission « Europe et participation citoyenne » de l’Association Française du Conseil des Communes et Régions d’Europe (AFCCRE), a d’ailleurs rappelé que les retours d’expériences des territoires sont précieux pour l’élaboration des normes de l’Union européenne, à l’image du règlement sur l’interopérabilité des services publics numériques.

Pour Delphine Jamet, conseillère à la métropole de Bordeaux déléguée au numérique, l’Europe doit être « un rempart à l’heure de la guerre commerciale », ce qui suppose d’accompagner davantage les agents publics et les citoyens pour faire évoluer leurs pratiques numériques. « Il faut sensibiliser et former pour ne pas céder à la facilité » des outils extra-européens a renchéri Dominique Marty, conseiller de la communauté d’agglomération du Sicoval en charge de la transformation numérique.  

Affermir le dialogue entre acteurs publics et privés

Outre les associations d’élus, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la direction interministérielle du numérique (DINUM), la Banque des territoires ainsi que plusieurs institutions et entreprises étaient également présentes pour marquer ce tournant stratégique.

Toutes ont fait part de leur volonté de travailler plus étroitement avec les collectivités et les agences de l’Etat, qu’il s’agisse du développement des jeunes pousses dans les territoires, de la construction de communs numériques ou encore de la transition écologique. « On souhaite apporter notre pierre à l’édifice » a lancé Jean-Marc Lazard, fondateur d’Opendatasoft, soucieux de développer des champions européens du secteur numérique.

En appelant à une mobilisation locale, nationale et européenne, les collectivités territoriales démontrent leur volonté politique de participer activement à l’édification d’une véritable souveraineté numérique, pour protéger et servir les citoyens.