Dans le cadre du cycle Transition Énergétique du Forum des Interconnectés, l’atelier: « Autonome, renouvelable, collaboratif, quel habitat pour demain ?« , animé par Frédéric Duval (Institut Publics & Territoires), a permis de faire un état des lieux sur les nouvelles façons de concevoir et produire l’habitat sur les territoires.

Ce qu’il fallait retenir

Les enjeux sociétaux et environnementaux actuels nécessitent une prise de décision collective, fondée sur l’accès partagé à l’information.
Les nouveaux outils de conception numérique peuvent être le support à une participation citoyenne et à la construction de l’habitat de demain. De nombreux projets et solutions sont d’ores et déjà opérationnels, d’autres aux concepts très novateurs cherchent un terrain d’expérimentation (voir ci-dessous).
L’innovation ouverte et l’open source pourraient être les clés pour réussir la transition vers des villes co-construites, contributives induisant des nouveaux comportements plus durables et une nouvelle qualité de vie.
La révolution numérique change le monde pour le meilleur et pour le pire. Elle le modifie de façon définitive et lui donne un statut hybride où le tangible pur et le numérique pur existent de moins en moins. Les nouveaux outils ne sont que ce qu’on en fait : il faut être vigilant à ce qu’ils n’aillent pas contre l’intérêt général.

Regards croisés de nos deux experts : Alain Renk et Stéphane Mor.

•    Pourquoi s’intéresser à ces tendances nouvelles en matière d’habitat ?
Alain Renk : Les villes sont parties prenantes des transitions écologiques et numériques. Si les territoires urbains doivent participer à relever les enjeux sociaux et environnementaux posés à l’humanité actuellement, cela ne pourra plus être, semble-t-il, de façons autoritaires et imposées par des politiques surplombantes. D’autant plus que les objectifs de villes plus durables et plus efficientes ne sont atteignables qu’à travers des changements de mode de vie et de comportements des populations. L’habitat cristallise justement la rencontre entre les politiques publiques et la dimension individuelle, intime du rapport à la ville. Dès lors, deux options, à l’heure de la défiance envers le politique et les experts : imposition ou collaboration ?

•    Quels sont les enjeux aujourd’hui ?
Alain Renk : Le passage à la ville contributive et à l’urbanisme collaboratif. Le développement de méthodes d’intelligence collective adaptées à l’urbanisme.  Les enjeux sont pour nous étroitement liés à la capacité d’articuler les dynamiques stratégiques globales portées par les différentes échelles du politique et les initiatives ascendantes portées par la société civile.

Stéphane Mor : L’essor de la société civile (citoyens, associations, ONG, organisations européennes et mondiales, etc) en tant que décisionnaire incontournable dans les orientations sociétales s’étend dans de nombreux domaines, dont l’habitat fait évidemment partie.
La préoccupation citoyenne pour le respect de l’environnement est très en avance sur les politiques publiques. Ses moyens d’actions sont par contraste très limités : concertation publique anecdotique et uniquement portée sur l’esthétique, et subordination de l’intérêt général à l’intérêt économique dans les « grands projets » par exemple.

•    Que peut apporter le numérique ?
Stéphane Mor : Le numérique permet de diffuser à tous une information identique. En cela, elle permet à tout un chacun, suivant son propre prisme, de s’approprier un sujet et de proposer des compléments d’information ou de réfuter des assertions, mais aussi de formuler des propositions alternatives. Les nouveaux outils numériques dans le bâtiment (dont le BIM fait la synthèse aujourd’hui) sont déjà à l’œuvre pour une meilleure collaboration des intervenants d’un projet de construction, et permettent une meilleure performance (coût, qualité, environnement).
Il reste à en faire un outil de prise de décision collective. L’arrivée du numérique dans le bâtiment permet d’imaginer une diffusion à grande échelle d’informations sur les projets de construction, permettant la prise de décision collective : concertation amont, maîtrise d’ouvrage publique collaborative, construction de scénarios constructifs alternatifs, vigilance citoyenne sur des impacts sous-estimés.

Alain Renk (HOST Architectures) est architecte-urbaniste et porteur du projet wikibuilding.
Ce projet d’habitat est à l’intersection du numérique et de l’architecture et ambitionne de donner la possibilité aux futurs occupants le pouvoir de co-construire leurs espaces de vie ou de travail. Les habitants et les utilisateurs du Wikibuilding pourront passer de la situation d’acteurs passifs à celle d’acteurs capables de collaborer pour transformer leurs environnements. Ce projet s’envisage comme un écosystème de nombreux partenaires d’élaboration continu et open source.

Stéphane Mor (ASTUS Construction) est Business developer BIM & Fablab. Il gère la structuration de l’offre de services sur les pôles fablab, acquisition 3D par scanner laser et photogrammétrie et immersion.
Astus Construction est une plateforme d’innovation collaborative dédiée aux professionnels du bâtiment. Son pôle Construction Numérique a pour but de diffuser les nouvelles technologies dans la chaîne des acteurs de la construction.
Il accompagne le développement des pratiques de modélisation des informations : techniques, juridiques ou d’usage. Les professionnels peuvent ainsi analyser la qualité de leurs projets avec l’objectif de répondre aux besoins de l’usager, à son mode de vie, à ses exigences qualitatives, économiques, techniques et environnementales.

Zoom sur un projet pionnier : WIKIBUILDING

Le concept générique Wikibuilding repose sur 4 innovations et façons de penser en dehors des cadres habituels :
• la ville contributive et l’architecture collaborative
Les équipes d’un projet de Wikibuilding s’efforcent de tout mettre en œuvre pour travailler de manière collaborative en associant tous les acteurs d’un territoire (élus, professionnels de l’urbain et société civile ) et faciliter leur implication dans le projet aux différents stades d’avancement
La constitution de synergies est recherchée pour dépasser les approches en silo  classiques. Les décisions sont prises de façon collégiale en favorisant les contributions et les projets ouverts.

• les communs urbains
– Les Wikibuildings visent à s’inscrire dans la dynamique des communs. La notion de commun renvoie à des ressources ni privées, ni publiques  dont la préservation voir le développement est assuré par une communauté. L’intérêt d’un commun tient dans les capacités d’empowerment qu’il peut apporter à l’environnement dans lequel il s’inscrit. Certains espaces des Wikibuildings, notamment ceux en contact avec les espaces publics, sont naturellement enclins à devenir des communs ouverts à la société civile.

• l’hypermodularité des espaces
Le concept Wikibuilding est symbolique d’une architecture des capabilités, en mesure d’accompagner la vie des habitants et des usagers dans le temps. Les espaces doivent ainsi être non seulement modulaires, mais l’être rapidement et à moindres couts.  Ainsi, passer du 3 pièces au loft, et réciproquement se fera en quelques heures. Mieux, les appartements pourront évoluer vers des espaces dédiés à la santé et à la cohabitation. Par ailleurs, il sera possible de regrouper les logements et les espaces de travail, ou d’en séparer des parties qui deviendront alors pleinement autonomes.

• l’open source
Chaque Wikibuilding doit diffuser les plans du bâtiment en Open Source pour permettre à d’autres concepteurs de les utiliser, de les améliorer et de s’en inspirer. En plus d’ouvrir vers des logiques apprenantes, l’Open Source permet de faciliter les opérations de transformations et de maintenances régulières du bâti. Au-delà des plans, chaque Wikibuilding documente ses méthodes collaboratives ce qui permet un enrichissement global de la méthode.

En savoir plus : wikibuilding.paris